Tom Cruise et la roche : conception d’une expérience en réalité virtuelle par (R. Brongo et M. Destison)

(R. Brongo et M. Destison)

Roxana Brongo (Lead Création dans le département d’innovation et de nouvelles technologies) et Marin Destison (Designer UX) de chez Valtech Canada nous présentent leur démarche dans la création d’une expérience de réalité virtuelle.

La technologie : le HTC Vive

L’expérience, conçue pour une entreprise vendant des tentes familiales utilise une technologie haut de gamme: le HTC Vive. D’après Roxanne Brongo, le HTC Vive a l’avantage d’offrir une certaine liberté de mouvement, une bonne qualité graphique et une vitesse de rendu appréciable.

Des utilisateurs au comportement variables

Dans un contexte de réalité virtuelle, les réactions des utilisateurs sont encore à explorer et comprendre. Un des défis rencontrés par l’équipe de Valtech est la diversité, voire la contradiction des réactions rencontrées : certains utilisateurs sont extrêmement participatifs (voire imprévisibles), tandis que les autres figent dès l’activation du casque et doivent être ensuite dirigés.

Les aspects d’une expérience virtuelle :

Selon les deux conférenciers, trois aspects de la RV sont particulièrement à prendre en compte pour une immersion réussie : le photoréalisme, l’ambiance sonore et le mouvement.
Bien qu’il enrichit l’expérience, le photoréalisme ne peut pas en garantir l’efficacité à lui seul. Une expérience dont le fini visuel est très bien fait, mais dont les interactions sont mal construites sera moins efficace que son opposé.
L’ambiance sonore est très importante pour que l’utilisateur « croit » à l’expérience de réalité virtuelle. Elle peut être constituée de bruits ambiants, d’effets sonores, de codes musicaux (comme au cinéma), etc. Enfin, provenant de l’utilisateur ou d’animations, le mouvement doit être géré de façon à ce qu’il se passe en douceur.
Si trois composantes ne sont pas gérées adéquatement, l’immersion peut être compromise. Par exemple, le rappel de l’environnement physique réel ou le sentiment d’être observé peuvent diminuer l’envie de l’utilisateur de bouger librement.

Les étapes de la création d’une expérience virtuelle

La création d’une expérience de réalité virtuelle passe par un certain nombre d’étapes. La démarche de Valtech, inspirée des techniques et procédures cinématographiques, est constituée d’une demi douzaine d’étapes.

1 — Définir le but et l’histoire

Il est essentiel de bien définir le produit, son contexte, ses attributs et la manière de les mettre en valeur par la démonstration. Par exemple, il être peut montrer qu’une tente est imperméable en la plaçant dans un décor pluvieux. L’utilisation de ce genre de techniques de storytelling permet d’informer et de surprendre l’utilisateur.

2 — Faire un story-board 360

La particularité de la réalité virtuelle est qu’elle doit être conçue et pensée en 3 dimensions dès le début de la conception. Une bonne technique pour mettre ce principe en application est de créer un story-board (à partir d’un point de vue supérieur à la scène) séparé en trois sections : la zone de confort (située devant l’utilisateur), la zone étendue (à gauche et à droite de l’utilisateur) et la zone de curiosité (derrière l’utilisateur). Ce story-board permet également d’établir des zones attirant l’intérêt pour guider l’utilisateur où l’on désire.

3 — Prévoir la première vue de l’usager

Il est important de s’assurer que l’utilisateur voit les informations de son point de vue (à la premièr-personne). Les informations jugées nécessaires à l’atteinte du but de l’expérience doivent être placées dans son champ de vision, à portée de vue.

4 — Créer le UI

Il est essentiel de créer un UI qui ne brise pas l’expérience de l’utilisateur, que ce soit la diégétique (ce qui fait partie intégrante de l’histoire et de l’environnement, comme une horloge par exemple), le spatiale (par exemple un menu, qui fait partie intégrante de l’environnement visuel au même titre que les arbres, roches, etc., mais qui s’en distingue graphiquement) et finalement la non-diégétique (ce qui n’existe ni dans l’histoire ni dans l’environnement, comme un avertissement par exemple). Lisibilité et concision sont aussi bien entendu essentielles à la compréhension de l’environnement par l’utilisateur.

5 — Créer l’interactivité

Les manettes, conçues comme celles de jeux vidéos, peuvent être difficiles à utiliser pour un néophyte. Par ailleurs, les utilisateurs ont tendance à limiter leurs mouvements, ne sachant pas où se situent les objets et les gens qui les entourent réellement. Il faut penser les espaces réels et virtuels de manière à ce que les déplacements de l’utilisateur soient simples et ne soient pas entravés.

6 — Effectuer le découpage technique

Finalement, la dernière étape consiste à découper l’expérience en scènes séparées pour les développeurs. Ces scènes doivent bien sûr être accompagnées des spécifications concernant l’environnement sonore, les voix, l’animation, l’interaction, etc.

Conclusion : trouver l’équilibre entre la magie de l’accessibilité

Si l’accessibilité est essentielle pour une expérience de réalité virtuelle réussite, il ne faut pourtant pas négliger l’aspect magique que peut revêtir la réalité virtuelle à travers son histoire, son esthétique et l’ambiance qu’elle dégage pour l’usager.

L’UX au-delà de l’écran

(par T. Aubé)

Tony Aubé est designer pour Osmo et contributeur à TechCrunch et VentureBeat. Lors de cette soirée Tout le monde UX, il présente l’approche de l’expérience utilisateur dans le processus de création du produit de réalité augmentée Osmo.

Osmo ou le jeu en réalité augmentée pour les enfants

Osmo est une compagnie qui crée des jeux de réalité augmentée sur iPad destinés aux enfants. Osmo fonctionne grâce à la combinaison de l’intelligence artificielle et d’un miroir placé devant la caméra permettant à l’application de « voir » et de « comprendre » ce qui se passe devant le iPad.

Une réflexion de design à part entière

L’ensemble des choix de design chez Osmo se base sur une question fondamentale : « Quelle est la raison d’être de Osmo? » La raison d’être d’Osmo, c’est l’interaction « Hands on », c’est-à-dire manuelle directe, pour les enfants (de 5 à 12 ans). Ce choix est le fruit de trois constatations. Premièrement, plusieurs recherches démontrent que le développement de l’enfant est fortement influencé par l’usage de ses mains durant les apprentissages. Ensuite, les pièces des jeux destinés aux enfants sont plus simples à comprendre pour l’intelligence artificielle. Finalement, l’opportunité d’affaires: Osmo étant un produit sur iPad, mais ne nécessitant aucune interaction directe avec celui-ci, il se présente comme un choix intelligent pour les parents désireux de réduire l’utilisation de jeux électroniques par leurs enfants.

L’apprentissage des interactions

Un autre aspect important du produit est qu’il apporte une nouvelle façon d’interagir avec l’ordinateur. Ce type d’interaction ne peut donc pas se baser sur des modèles mentaux déjà établis. Les enfants doivent apprendre à interagir avec Osmo. Selon Tony, le fait de ne pas pouvoir compter sur l’apprentissage externe des utilisateurs fait qu’il est essentiel que la conception du produit soit focalisée sur le UX. Cette constatation les mènera à prendre plusieurs décisions de design notamment :

  • Retirer certains marqueurs visuels (marquage) afin d’ajouter une impression de « magie ».
  • Supprimer la planche (board) délimitant l’espace de jeu.
  • N’avoir que la caméra de la tablette comme requis électronique nécessaire au fonctionnement des jeux.
  • Supprimer l’utilisation de l’écran tactile de la conception afin garder toute l’expérience en mode « hands on »

Le design de jeu selon Osmo

La raison d’être d’Osmo n’a pas seulement guidé le design du produit (l’objet), mais aussi celui des jeux (l’interface), ce qui a permis à Tony d’établir certaines règles de design pour assurer la réussite de l’expérience.

Règle #1 : L’expérience commence par les pièces physiques.

Comme la raison d’être du produit est basée sur son côté « hands on », le design doit être également conçu en commençant par cet aspect. Le design de jeux commence par les pièces physiques.

Règle #2 : Les pièces doivent être amusantes par elle-même.

Le plaisir à utiliser le jeu ne doit pas dépendre de la présence du iPad. Le jeu doit être autonome et pouvoir être amusant même si le iPad est enlevé. La manipulation des pièces doit être plaisante par elle seule.

Règle #3 : UX > Digital + Physique

Selon Tony, il s’agit de la règle la plus importante. La combinaison du digital et du monde réel est plus grande que la somme de ses parties. La relation est directe entre les pièces et l’écran et cette relation est la valeur ajoutée de l’expérience.

Règle #4 : Le UI ne compétitionne pas avec les pièces.

Le UI de Osmo en fait, c’est les pièces du jeu, pas l’écran. L’interface-écran ne doit pas faire compétition avec les pièces physiques.

Règle #5 : Être 110% explicite

Comme il s’agit d’une nouvelle interaction ou d’une nouvelle technologie, il faut être totalement explicite. La première vidéo tournée par Osmo pour promouvoir ses jeux a été un échec, car les effets spéciaux utilisés prédominaient sur l’explication du jeu. Les consommateurs s’attendaient donc à voir ces effets spéciaux lors de l’utilisation du jeu et ont été déçus (les gens s’attendaient à ce que les pièces “s’illuminent avec magie” une fois assemblées). Force a donc été de réaliser que la plupart des utilisateurs n’ont pas une littératie tant élevée en matière de technologie, et qu’il faut être très clair (être littéral) sur ce qui sera possible ou non grâce durant le jeu.

Conclusion : trouver sa raison d’être

Ainsi, avant de penser au développement d’une nouvelle technologie, il est essentiel si l’on en juge par le processus de conception d’Osmo, de commencer par une réflexion sur la raison d’être de cette nouvelle technologie. Cela permet de répondre à de nombreuses questions qui peuvent survenir durant la conception du produit, et de trouver des solutions à adapter à cette raison d’être et donc à garantir une bonne expérience utilisateur.

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